L'Huître et les Plaideurs

"Un jour deux Pèlerins sur le sable rencontrent,
Une Huître que le flot y venait d'apporter
."

Fiami a partagé cette fable avec des adultes en situation de handicap au Musée de la Fondation Martin Bodmer
et une autre fois avec la dessinatrice Bénédicte qui illustre la fable en direct.

La fable manuscrite et colorée
par Fiami

L'Huître et les Plaideurs
par Jean de La Fontaine

Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une Huître, que le flot y venait d’apporter :
Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
À l’égard de la dent il fallut contester.
L’un se baissait déjà pour amasser la proie ;
L’autre le pousse, et dit : « Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l’apercevoir
En sera le gobeur ; l’autre le verra faire.
– Si par là l’on juge l’affaire,
Reprit son compagnon, j’ai l’œil bon, Dieu merci.
– Je ne l’ai pas mauvais aussi,
Dit l’autre ; et je l’ai vue avant vous, sur ma vie.
– Hé bien ! vous l’avez vue ; et moi je l’ai sentie. »
Pendant tout ce bel incident,
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin, fort gravement, ouvre l’Huître, et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d’un ton de président :
« Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens ; et qu’en paix chacun chez soi s’en aille. »
Mettez ce qu’il en coûte à plaider aujourd’hui ;
Comptez ce qu’il en reste à beaucoup de familles ;
Vous verrez que Perrin tire l’argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

L'Huître et les Plaideurs
par Boileau

Un jour, dit un auteur n'importe en quel chapitre,

Deux voyageurs à jeun rencontrèrent une huître.

Tous deux la contestaient, lorsque, dans leur chemin,

La Justice passa, la balance à la main.

Devant elle, à grand bruit, ils expliquent la chose ;

Tous deux, avec dépens, veulent gagner leur cause.

La justice, pesant ce droit litigieux,

Demande l'huître, l'ouvre, et l'avale à leurs yeux.

Et, par ce bel arrêt terminant la bataille ;

"Tenez : voilà, dit-elle, à chacun une écaille ;

Des sottises d'autrui nous vivons au Palais.

Messieurs, l'huître était bonne. Adieu. Vivez en paix".


La Fontaine et Boileau étaient bons amis.
Ils ont écrits chacun une fable sur le sujet à la même époque. On ignore lequel des deux a inspiré l'autre ou s'ils ont puisé leur inspiration ailleurs…